[29 octobre 1730, Japon] Dans la province de Tokyo, un fait divers marqua la vie d'un jeune homme.]
Ce jeune homme prénommé Tatsuya, apprenait à forger des sabres selon la méthode originale de la période Koto, et ce d'une façon passionnée, quasi mystique. Il aimait l'idée qu'en se formant à ce savoir-faire, il véhiculait les techniques, les arts mais aussi les valeurs de ses ancêtres, l'amenant ainsi à se former à un savoir-vivre, fondé sur le respect, le contrôle de soi, la communion avec la nature et les sens. En effet, le sabre à ses yeux symbolisait plus le chemin qui s'ouvre au monde, que l'objet servant a tuer. S'il y avait quelque chose à tuer, c'était davantage le cloisonnement, le refus de se donner à la vie, plutôt qu'un être humain.
Ce 29 octobre 1730, après une journée de dur labeur, Tatsuya rentrait chez lui par les chemins sinueux des montagnes qu'il grimpait et dévalait inlassablement matin et soir. Tous les jours, sur ce chemin qui le ramenait à son foyer, il croisait des bergers, des commerçants, des cultivateurs qui lisaient tous au fond de ses yeux une joie indescriptible. Tatsuya pensait à sa femme qu'il allait retrouver comme chaque soir, sa femme à qui il était uni par des liens sacrés qui dépassent de loin ce que les humains tentent de décrire depuis la nuit des temps par le mot "AMOUR". Ils formaient un couple simple, modeste et très heureux. La force de leur sentiment leur avait permis de vivre cinq ans de vibrations des plus passionnées.
Ce soir là, Tatsuya est mort...
A cette époque il n'était pas rare d'entendre parler de loups dans la région mais ils se tenaient toujours très à distance des humains ; ce soir là, ils avaient anormalement franchi la limite de la Haute Forêt. Le jeune homme parvint à se cammoufler comme il pu, et malgrès la rapidité avec laquelle les loups s'enfuyaient, il distingua sur les poils grisâtres qui cerclaient leurs gueules, des tâches de sang encore ruisselantes... Tatsuya comprit bien vite d'où venaient ses loups... Après leur passage en furie, il dévala la dernière pente qui lui restait jusqu'à atteindre sa demeure. Là, sur le sol, devant la porte, gîsait sa femme, à demi-nue, ensanglantée. Les loups l'avaient défigurée, ils avaient emporté avec eux, dans le fond de leurs panses, les dernières miettes de sa grâce. Effondré devant la vue d'une telle atrocité, Tatsuya pleura et hurla tout son désespoir, toute sa tristesse ; un désert d'incohérence l'envahit... Il se demanda mille fois pourquoi la nature d'ordinaire si juste et si grandiose dans son pays avait ce soir anéanti la parcelle la plus pure de sa planète...
-Pourquoi ? [Lâcha-t-il comme un dernier souffle, les yeux tuméfiés par le sel de ses larmes amères]
Dans son dos, il entendit brusquement une voix grave et profonde lui suscurer:
- Parce-que...
Se croyant jusque là seul face à sa défunte femme, il se retourna brusquement et vit une créature étrange aux yeux clairs comme les glaciers. Abasourdi par la peine, incapable de prononcer une quelconque parole, Tatsuya se laissa approcher. L'homme qui lui faisait face était particulièrement imposant, il dégageait une aura presque immortelle... D'une voix étonnemment sombre, la créature dit alors :
- Parce-que ça n'étaient pas des loups... N'as-tu pas remarqué leur gigantesque puissance ? N'as-tu pas entrevu leur yeux jaunes et rouges ? N'as-tu pas entendu la portée de leurs hurlements ? C'était des Lycans mon pauvre ami, ce sont ces monstres que je pistais depuis dix jours ; car je suis moi aussi une forme de monstre, mais d'une race nommée Vampire. Eux comme nous devenons ainsi par simple morsure, nous nous métamorphosons... Mon destin et celui des miens se résume à les anéantir et leur destin est tout autant celui d'exterminer ma race. Nous nous combattons les uns les autres, mais nous chassons également de l'humain. [Celui-ci jetta un petit coup d'oeil sur Tatsuya afin de vérifier si l'horreur de ses propos ne le rendait pas méfiant à son égard; mais il vit bien que l'horreur était déjà passée et que seule la peine se lisait sur son visage; il continua donc son récit.]
Certains groupes s'attaquent uniquement aux humains les plus affaiblis, à ceux qui n'ont que peu de chance de survivre, d'autres broient n'importe qui ; ta femme a eu la malchance de croiser ceux-là. Ce soir ta peine m'a ému pauvre ami, il y a bien longtemps que je n'avais plus connu un tel sentiment, je tâcherai de te venger...
Tatsuya avait écouté les paroles du Vampire avec une attention très particulière, et ne voyant aucune autre conclusion à sa vie d'humain, il lui chuchota :
- Mords-moi
- Je te demande pard...
- Mords-moi, je me chargerai seul de la vengeance de ma bien-aimée, si je dois encore vivre, c'est pour elle, pour elle seule .
Et voilà c'est ainsi que je devint Zatoichi, mon maitre m'avait attribué ce surnom en mémoire d'un ittinérant aveugle, fort doué dans le maniement du sabre tout comme ce jeune Tatsuya que j'étais jadis. L'amour m'avait rendu d'une certaine façon aveugle aussi , aveugle au point de devenir vampire... Après avoir retrouvé les assassins de ma femme, ma haine se perdit au fil des années, je combattais désormais sans trop savoir pourquoi... Pour survivre peut-être, mais rien en est moins sûr.